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L’homme le plus casanier du monde

Publié le 1 novembre, 2015

Reynaldo glisse en sourire en coin, comme s’il avait gagné une partie de poker.
« Tu cherches à savoir ce que je deviens ? »
Alexandra s’adosse à la chaise, confortablement, donnant l’impression de botter en touche. Et c’est ainsi installée qu’elle lance :
« On rentre ? J’ai envie de voir mon Bernard !
– Allez, entrons ! Donne-moi ton sac…
– Ca ira, merci Reynaldo. Je peux le porter moi-même ! »
Alexandra entre d’un pas pressé, et dépose lourdement son sac près de la bibliothèque du rez-de-chaussée. Pétillante, elle s’exclame :
« Bernaaaaard ! Je suis arrivééééeee !
– Tu sais, Bernard ne quitte plus l’étage que lorsqu’il y est réellement obligé ! Il va descendre, rassure-toi.
– C’est toujours aussi mignon, l’intérieur. Très chaleureux, on dirait une maison construite par des lutins, selon leur architecture, mais pour des hommes ! Par contre, rien n’a bougé depuis ma dernière visite, il y a trois ans !
– Bernard reste fidèle à lui-même mais n’évolue plus ! Surtout depuis la mort de Solange…
– Quel malheur ! Ils formaient un couple attachant. Je n’en reviens toujours pas.
– On sait tous ce qui l’a tuée, mais personne ne voulait se l’avouer à l’époque. »
Après l’ange, c’est comme un fantôme qui passe près de Reynaldo et Alexandra, celui de Solange, et des substances qu’elle prenait…
« Bon, assez ! Je monte à l’étage ! » s’emporte Alexandra.
Sans qu’elle ne l’ait sollicité, Reynaldo la suit.
L’étage est en fait un long couloir donnant accès à trois pièces : la salle d’eau, face à Alex, la chambre d’ami sur sa droite, et la chambre de Bernard sur sa gauche.
La salle d’eau est grande ouverte et il est clair qu’il n’y a personne. La chambre d’ami, occupée ces jours-ci par Reynaldo, est ouverte également. Alexandra se pose d’ailleurs la question, le temps de plusieurs coups d’œil dans sa direction, où est-elle censée dormir ?
« Bernard ? Bah, où est-il ?
– Tu sais, Bernard ne quitte plus sa chambre, en fait !
– Ah bon ! dit-elle en s’approchant à pas de velours de la chambre de Bernard.
– Tu ne m’as pas répondu tout à l’heure : si tu me croyais au Pérou, cela veut donc dire que tu cherches à savoir ce que je deviens ?
– Que tu es bête Reynaldo ! Quand on discute avec Bernard, tu sais bien qu’il ne peut pas s’empêcher de parler de tous ceux qu’il connaît sur Terre ! Autrement dit, essentiellement de toi. Je ne prends pas de tes nouvelles, il me les donne sans que je les lui demande !
– C’est presque vexant.
– Arrête ton char ! Je suis certaine qu’un aventurier comme toi doit avoir une fille dans chaque contrée visitée, comme il fut un temps où les marins avaient une fille dans chaque port ! »
Reynaldo rougit comme un enfant de cinq ans surpris à faire une bêtise. Alexandra en est presque à se moquer de lui. Tout en le mesurant du regard, elle frappe à la porte et murmure :
« Bernard… c’est Alex ! J’espère que tu ne faisais pas la sieste… »
Elle prend finalement l’initiative d’entrer : personne !
Alexandra fait les cent pas dans la douzaine de mètres carrés de la chambre, et prend un air très préoccupé, comme si elle était en train de résoudre une équation extrêmement complexe.
Reynaldo, lui, hausse les épaules et dit simplement : « Tiens, il est peut-être sorti ! »