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Artiste : Régis Parenteau-Denoël
Techniques : encre du Japon, pinceaux, pinceau sec, pinceau martre Raphaël, feutres, plume atome
Site : www.rpdenoel.canalblog.com

Film n°7 : Il était une fois en Amérique

Publié le 15 juillet, 2019

Réalisateur : Sergio Leone
Année : 1984
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Rien n’a peut-être jamais eu lieu. Les volutes de fumées voilent les songes du héros. À l’arrière du théâtre chinois, Noodles s’est procuré ce qui est sans doute le meilleur opium de New York. Peut-être s’en sert-il pour endormir, à défaut de cicatriser, les plaies toujours béantes de ses frasques sentimentales, en amour comme en amitié, jalonnées sur le chemin périlleux sur lequel il s’est engagé dès sa plus tendre enfance…    

Dans l’un des premiers retours en arrière du film, Noodles, le protagoniste, incarné par un Robert De Niro éblouissant de profondeur, se remémore un instant que seule la magie de l’enfance peut faire émerger des bas-fonds d’un New York délavé, gangrené par les gangs. Celle dont il est alors épris, Deborah (interprétée par la frêle Jennifer Connelly), revisite un verset du Cantique des Cantiques, qu’elle lit à son amoureux. Ou Noodles n’est-il que son prétendant ? Voire un garçon qu’elle méprise ? Elle glisse en tout cas dans sa lecture platonique son amertume, doublée d’un espoir qu’elle ne semble pas assumer. 

Le gramophone fait crépiter ces sentiments tout autant exaltés qu’inavoués, et c’est là le début de la relation pétrie de confusion entre Deborah et Noodles. Et à l’instar de l’ensemble des liens que le jeune homme va nouer avec ses amis, celle-ci va durer trois générations. 

Noodles nous promène de 1922 à 1968 et fait de nous le témoin de sa profonde mélancolie, comme s’il craignait à chaque instant d’être trahi. Quelle triste lucidité en vérité, ou son manque de fougue dans l’expression de ses sentiments aura fini de semer sur son chemin les pierres de la solitude.

Il s’investit pourtant, sincèrement, presque avec candeur, dans ses relations les plus prometteuses. Avec Deborah comme avec son meilleur ami, Max (campé dans son format adulte par un James Woods insaisissable), Noodles s’engage, se dévoile même, malgré cette distance qu’il entretient entre lui et eux, entre lui et le monde entier. Cette distance est à la fois sa grande force et sa faiblesse la plus palpable. Elle lui permet d’embrasser toutes les audaces, mais l’empêche de jouir pleinement de son existence. L’opium, sans doute, peut l’y aider. 

Allongé à l’arrière du théâtre, dans l’euphorie de la paix intérieure tant recherchée, Noodles continue de rassembler ses souvenirs… Les charlottes russes, les brumes couvrant les docks, le Pont de Manhattan, Noodles se souvient.  

La Prohibition, les communautés qui fourmillent les unes à travers les autres, ses amis, Max, Patsy, Cockeye, et Dominic, le plus jeune de la bande, Noodles se souvient… de tout. À l’image de ces jeunes gens, New York se construit. L’environnement urbain en pleine expansion, en pleine mutation, expose Noodles et ses amis à une nécessaire débrouillardise. Les cinq garçons découvrent la vie, expérimentent les sentiments et les plaisirs, mais la survie dans ce milieu incertain, souvent hostile, leur démontrera que la cruauté, elle aussi, est extrêmement précoce. 

Sur ce chemin de tous les absolus, Ennio Morricone nous guide pendant 4h11 (pour la version intégrale) et alterne avec une habileté magistrale les partitions faisant usage d’instruments à cordes, à vent, à percussion, les solos et les orchestrations, pour mettre en musique le propos d’Il était une fois en Amérique (1984) que Sergio Leone qualifiait de film-testament.

La complicité qui unissait les deux hommes depuis près de vingt ans atteint son climax. Leur symbiose éclate à l’écran. Ennio Morricone composa d’ailleurs la bande-originale du film sans qu’aucune scène n’ait été encore tournée, à partir de la seule lecture du scénario, auquel a directement participé Sergio Leone.  

Et le metteur en scène nous fait ici la démonstration, à l’image du Parrain de Francis Ford Coppola, que les plus admirables émotions peuvent animer et se dégager de personnages tiraillés par de viles motivations. Le gangstérisme est un prétexte esthétique à une narration brillante. 

Le 23 novembre 2018, Paris s’est de nouveau illuminé. Ennio Morricone nous offrait son concert d’Adieu. En dirigeant les 200 musiciens de l’Orchestre Symphonique National Tchèque et un Chœur composé de 75 chanteurs, le maestro nous a embarqué une ultime fois pour le plus onirique de tous les voyages cinématographiques.