Vincent s’était retrouvé dans ce quartier pour la seule raison qu’un organisme l’y avait convoqué. Il s’agissait pour lui de prouver, documents à l’appui, qu’il était bien celui qu’il prétendait être. Simple formalité pour le commun des mortels, mais pour quelqu’un d’aussi effacé que Vincent, cela représentait un véritable exploit.
Pourtant, il n’avait pas erré dans des couloirs sans fin, rejeté de bureau en bureau, comme il l’avait redouté. Les choses s’étaient passées très vite et très bien.
En sortant de l’immeuble, soulagé et sûr de lui (pour quelques heures au moins), il avait traversé l’avenue pour entrer dans un petit café tout en longueur où il avait choisi une table, près de la baie vitrée.
En entrant, il avait dit « bonjour » si fort et avec un tel enthousiasme qu’il en avait eu honte. Par chance, il était le seul client à cette heure-là. Le barman, un brun taciturne aux sourcils énormes l’avait juste salué de la tête.
Il avait commandé un verre de vin rouge que le barman taciturne lui avait servi sans un mot. Peu après, une très belle jeune femme avait posé devant lui une soucoupe pleine de petites choses délicieusement croustillantes. « Pour accompagner votre verre de vin », lui avait-elle dit.