La musique s’est arrêtée. Jérôme salue son public, remet son polo et sa veste tandis qu’un assistant l’aide à réinstaller son micro-cravate correctement. Il retrouve sa place, devant la table en forme de montre gousset. Il a encore une minute pour parler à Tony avant que sa voix ne soit entendue par toute l’assistance.
— C’est bon pour Juliette ?
— Karl s’en occupe, elle sera prête. On envoie Jenny pour ton raccord maquillage. Une minute trente !
Jenny est une petite dame un peu ronde, sans âge, aussi discrète qu’efficace, elle est la maquilleuse de Jérôme. Il ne lui faut que quelques secondes pour remplir son office et disparaître. En quelques coups de pinceaux, elle a enlevé dix ans au présentateur.
Karl, lui, s’occupe des célébrités. Il a le visage d’une jolie femme qu’on aurait affublé d’une barbe postiche. Jérôme ne peut pas le croiser sans réprimer un frisson de dégoût. Réaction de vieux macho qu’il ose à peine s’avouer à lui-même. Cela dit, Karl est aussi un vrai pro puisque Juliette est déjà prête à faire son entrée.
Elle est encore invisible pour le public mais Jérôme peut la voir.
— Il y a des jours comme ça, se dit-il. D’abord Michel, pauvre Michel, et puis l’improbable Marlène et, cerise sur le gâteau, Juliette.
Jérôme plonge le nez dans son carnet à spirale. Vieux réflexe. Une façon de fuir les gens sans avoir à se déplacer.
— Dix secondes, prévient Tony.
Jérôme relève le nez de son carnet, et se met debout pour accueillir la jeune femme. Il a les jambes en coton, il risque d’avoir le souffle un peu court mais il est Jérôme Verlann, Prince du Vide, et il va jouer le jeu. Il va lui poser les mêmes questions qu’aux autres, sur le même ton, il espère quand même que lorsqu’il lui demandera ce qui a motivé son choix de participer au Quart d’Heure de Célébrité, elle ne va pas répondre :
— Pour avoir l’occasion de passer un moment avec toi, Papa.