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La dose cruelle de talent

Publié le 18 novembre, 2018

Flore se prépare à compter mentalement jusqu’à 30 avant de se retourner. Mais derrière elle, la voix reprend :

— Voilà, je me rendais à un rendez-vous, un rendez-vous important. C’est d’ailleurs pour gagner du temps que j’ai voulu couper par ici (je le faisais déjà quand j’étais gamin.) Eh bien, quand je vous ai entendue déclamer, je me suis arrêté pour entendre le poème jusqu’au bout. N’est-ce pas cela, un beau poème ? Un poème qui vous arrête dans votre marche, où que vous alliez ?

— Cruelle…

— Pardon ? Je pensais que mon propos était de l’ordre du compliment !

— Oui, complètement, je vous prie de m’excuser ! Vous devez avoir raison, c’est ça un beau poème… un texte dont la mélodie vous empêche de faire quoi que ce soit d’autre que de vous en délecter… Merci, monsieur l’Inconnu.

— De rien ! Mais alors, pourquoi dites-vous que je suis cruel ?

— Non, pas vous. Je pensais à la remarque d’un de mes professeurs de français, Monsieur Strictland, lorsque j’étais en première littéraire. J’écrivais déjà quelques poèmes. Nous avions une bonne relation, une relation de confiance vous savez. Enfin, je pensais… Un jour, à la fin d’un cours, je décide de lui faire lire l’un d’entre eux. Et… je me rappellerai toujours sa réaction… il m’a dit : « Flore, par bienveillance, je dois te le dire : tu as du talent, tu en as beaucoup, et c’est ce qui m’inquiète… Tu en as trop et pas assez. Tu as ce que l’on nomme la dose cruelle de talent ! »