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La dose cruelle de talent

Publié le 18 novembre, 2018

Entre midi et deux heures, quand le temps le permet, elle s’installe sur un banc, près du kiosque, au jardin public.

Public, le jardin l’est très peu à ce moment-là, et Flore en profite pour réciter ses poèmes à voix haute devant des pigeons indifférents :

 

Faune et flore se dévoileront

Mettant à bas cet absurde rouge

Que les paroles envoûtantes du démon

Avaient nourri de ses adages

 

Au noir éveil qui s’éclipse

Je réponds en paroles dans ce florilège

Que son éloquence dûment glaneuse

Ne résiste pas aux Bleus de l’Ange

 

C’est très beau !

La voix est claire, bien timbrée, une voix d’homme, chaude, agréable. Flore n’a pas sursauté, pas même tressailli. Elle se fige. Son cœur manque un battement mais elle se reprend très vite. Elle lutte un instant contre l’envie de se retourner pour faire face à son mystérieux interlocuteur, elle résiste. Elle prend une longue inspiration pour ne pas avoir la voix qui tremble et lance :

— Qu’est-ce que ça veut dire « beau » quand on parle d’un poème ?

Silence.