Est-il parti ? A-t-elle rêvé ?
— Pardonnez-moi, dit la voix d’homme, j’ai sans doute été un peu trop spontané. J’aurais pu vous faire peur en m’exclamant ainsi sans même annoncer ma présence. Mais je constate qu’on ne vous effraie pas aussi facilement. Beaucoup, à votre place se serait mises à hurler !
C’est décidément la voix posée d’un homme cultivé, possédant une bonne éducation, occupant sans doute le haut de l’échelle sociale. Flore sourit. Comme par jeu, elle décide, cette fois encore, de ne pas se retourner pour répliquer :
— Vous ne répondez pas à ma question : qu’y a-t-il pour vous de beau dans mon… dans ce poème ?
Flore perçoit un sourire dans la voix de l’inconnu :
— Ainsi, vous en êtes l’auteur ! L’auteure, comme on doit dire aujourd’hui…
Rien ne lui échappe. Flore se demande s’il n’y avait pas une pointe d’ironie dans sa façon d’insister sur l’e d’auteure… Elle fait celle qui n’a rien entendu :
— Je vois, fait-elle, vous avez dit « c’est très beau », comme ça, histoire de dire quelque chose, mais vous ne savez pas vraiment pourquoi vous l’avez dit… Le savez-vous ?
— N’êtes-vous pas curieuse de savoir à qui vous parlez ? Ou peut-être estimez-vous que c’est à moi de contourner le banc pour me présenter, ce que j’aurais dû faire depuis longtemps, je le reconnais…
— Il est un peu tard pour les présentations, en effet. Et puis, ce n’est peut-être pas utile… Répondez d’abord à ma question et je verrai si je souhaite faire votre connaissance : qu’est-ce donc, pour vous, qu’un beau poème ?
Silence. Long silence.
Cette fois, il est parti. Fâché ?