Pour toute réponse, Max leva une main qu’il laissa retomber sur le volant. D’ailleurs son passager avait déjà allumé sa cigarette.
* * *
Au milieu de cette longue portion de route, parfaitement droite, bordée de chaque côté et jusqu’à l’horizon par la campagne déserte, la présence de l’auto-stoppeuse posait un véritable problème : d’une part, elle ne pouvait pas passer inaperçue, d’autre part elle ne pouvait pas être réelle. Sa présence sur le bord d’une route de campagne au milieu de nulle part était aussi improbable que celle d’un arrêt de bus au milieu du Sahara ou que celle d’une cabine téléphonique au cœur de la forêt amazonienne.
S’il avait été seul à bord de la voiture, Max aurait pu rouler une heure entière en réfléchissant à la question, s’interrogeant à propos de la réalité de cette vision fugitive d’une jeune femme sublime en robe de soirée… Mais les couinements d’Olivier lui traversaient la tête, empêchant toute pensée un peu élaborée de s’y développer :
— Arrête ! hurlait-il, arrête ! Mais tu l’as pas vue ? Tu l’as pas vue ? Arrête !
Le dernier « Arrête » partit à tel point dans les aigus que Max arrêta, comme son passager le lui demandait, avec l’intention, cependant, de lui mettre les mains autour du coup et de serrer le plus fort et le plus longtemps possible. Mais, pas plus que les autres fois, les centaines d’autres fois, Max ne mit son sinistre projet à exécution. D’ailleurs l’idée de poser les mains sur le cou gros et gras d’Olivier lui était insupportable.
— Tu l’as pas vue ou quoi ? répéta Olivier, essoufflé.
— Si, je l’ai vue ! cria Max. La raison pour laquelle je ne m’étais pas arrêté est à chercher dans le ou quoi !
— Quoi ?
— Je ne prends jamais d’inconnus en stop ! Et encore moins d’inconnu-es !
— Ouais, d’accord, mais… une créature de rêve !
— Surtout pas les créatures de rêve !